Chisato |☼ Sous le saule, au bord de la rivière [terminée]

Mental

« Une vie droite et simple, comme la lame d'un katana. »

Avachie là, sur le muret qui donnait sur la place principale du village, Chisato regardait le ciel mordoré de la fin de soirée de son regard le plus incandescent. Sa pipe, éteinte menaçais de tomber de sa main gauche qui pendait lâchement vers le sol.  Elle semblait totalement désarticulée, privée de vie. Tellement immobile que la seule chose qui laissait croire qu'elle était encore en vie, était le soulèvement léger et régulier de sa poitrine.  L'ennui semblait l'avoir paralysée, comment souvent quand il la gagnait pour autant personne ne se risquait a approcher pour s'assurer qu'elle allait bien.  Depuis toujours et a raison, la rumeur faisait d'elle une femme dont on devait se méfier.  Même alors qu'elle semblait absolument inerte.  Chisato était imprévisible et elle finissait toujours par faire quelque chose d'inattendu et sa violence latente n'était un secret pour personne.

Envers et contre tout , si elle était quelqu'un de profondément loyal et qu'elle était plus fidèle que le plus fidèle des chiens, nul n'était sans savoir qu'elle avait donné son âme et son être tout entier à Hashirama Senju et que pour le reste et a l'évidence : ce n'était Pas une femme gentille. Sans être une personne profondément mauvaise, c'était une femme sans morale et sans sens commun. Elle ne préoccupait ni de la politesse , ni des conventions sociales.Franche, directe, Chisato était un diamant brut incassable , brillant si on savait le polir et l'utiliser mais capable de briser n'importe quoi d'autre. Chisato était ce genre de femme, le genre qui n'hésitait pas a vous en coller une seulement parce que vous l'aviez regardée d'une façon qui lui déplaisait ou qui vous disait de la fermer parce que vous disiez un mot de trop. Sa brutalité qu'elle soit verbale ou physique semblait ne connaître aucune limite une fois qu'elle était liberté et par ailleurs on la connaissait combattant acharnée , d'une cruauté et d'une violence rarement vue.  Probablement que c'était parce qu'elle avait été éduquée dans cette idée là que toutes les vies , sauf une, étaient sacrifiables et qu'elle était prête a en sacrifier autant que nécessaire pour le rêve de cette personne là.

L'affection ? L'amitié ?
Elle en usait beaucoup, sur le plan personnel, principalement pour maltraiter les personnes en manque d'amour ou de confiance, les gens dans la culpabilité et obtenir d'eux qu'ils fassent pour elle des choses qu'ils n'auraient jamais fait de leur plein gré. C'était une manipulatrice née , n'avait aucun sens moral et pas le moindre scrupule, prête a n'importe quoi pour parvenir a ses fins.

Ironique, cynique, avec un grand sens du sarcasme,  Chisato était une femme pragmatique et sans l'ombre d'un doute elle était d'une redoutable perspicacité. Elle avait une grande capacité a compartimenter ses actes. Et plusieurs personnes affirmaient l'avoir vu mettre a mort un camarade gravement blessé pour ne pas faire échouer la mission. Si elle l'avait pleuré en suite ? Personne n'en était sur.  Elle avait cette aura, elle traînait avec elle cette fantomatique impression qu'elle était intangible. Là sans y être. Rude et sans égards visible peut-être que sa peau , que son âme était trop tannée d'avoir tant perdu.  Peut-être que ça ne l'avait jamais atteint ? Personne ne savait ; personne ne voulait savoir.

Elle avait cette présence. Cette forme de charisme et cette capacité a vous écraser sous sa seule présence. Cette force là. Chisato , connaissait les limites de son art et elle savait comment les exploiter certains disaient que c'était sa plus grande force, connaître ses faiblesse et savoir comment les combler. Cette conscience aigue d'être une arme, rien de plus.

Tellement plus.

Peut-être qu'agir de cette façon la dédouanait seulement de tout ressentiment, de toute émotion de toute fragilité qui aurai pu surgir de son intérieur. Ne pas poser de question.  Agir seulement. Suivre le courant et se laisser griser par la sensation grisante du pouvoir qui courrait dans ses veines.

Parfois , pourtant, elle se laissait aller.

Sa grande carcasse se baissait là pour dessiner dans la poussière avec un enfant ou alors errait comme un fantôme entre les tombes de ses camarades.  Dans un silence angoissant.

La Forteresse.

Certains se demandaient parfois si elle n'avait pas construit cette forteresse pour protéger l'être qui se cachait sous ses sarcasmes. Qui aurai pu dire ? Elle était la première a dire que personne n'était tout moche ou tout beau et il était certain qu'elle était capable de ressentir des choses avec trop d'intensité. Que ce soit l'amour ou la haine elle se jetait tout entière dedans sans se soucier de comment elle allait en sortir, si elle sortait.

Mais le plus effrayant a son sujet c'était probablement ça : elle n'avait pas la moindre ambition. Par le moindre rêve d'élévation.

Chisato se contentait d'être et ce seul fait semblait l'épuiser.

Histoire

☼

C'était une époque différente, une vie différente et quelque fois, depuis que la paix est revenue, je me demande même s'il ne s'agit pas d'un monde différent. Ma mère et ses pairs étaient des shinobis et bien que je n'eût jamais l'occasion de savoir qui était mon père, j'étais aussi destinée a devenir de la chair a canon. Comme tous les enfants de mon âge. C'était mon devoir, celui du sang. Alors sans surprise dès que j'ai sus marché, on m'a mit une arme dans les mains , j'ai appris a me battre, on m'a gravé un grade sur le bras , puis je suis partie me battre. Pour mon malheur éternel, J'étais douée [...] » ▬ extrait des mémoires de Yanagi Chisato.
« Nee-chan ? Nee-chan! »

La voix fluette de la petite fille ne parvenait même pas a faire bouger le moindre muscle du corps avachis de la femme. Ses cheveux blancs tâchés de rouge,étaient éparpillés autour de sa tête. Même sans y prêter la moindre attentions il empestaient de sang. Étendue dans la poussière, elle essayait de ne pas penser aux diverses plaies qui déchiraient son être  avec un certain succès. Ses yeux de lave en fusion étaient fixés sur un point invisible du ciel , même si la vision de l'astre solaire était douloureuse pour sa rétine elle ne clignait pas des yeux. Elle sentait le froid la gagnait, la douleur aussi mais jamais elle ne s'était sentie aussi vivante.

Combien de temps les combats avaient-ils duré ?
Il lui semblait que c'était une éternité, qu'elle n'avait jamais connu autre chose que ce bruit si caractéristique. Dans sa vision périphérique elle pouvait voir les corps de certains de ses camarades. Membre du clan Senju ou des membres de sa propre famille, elle refusait de le regarder.  Elle avait vu tellement de cadavres dans sa vie qu'elle n'était pas sure d'avoir une réaction appropriée devant celui de ses propres parents.

Rien de tout ça n'avait d'importante.
Elle était vivante.
Cette seule constatation lui avait arraché un rire sardonique incontrôlé et alors que le silence commençait à reprendre enfin ses droits sur ce champ de bataille, son rire rauque et fou avait raisonné dans la vallée.

« Nee-chan ?...lève toi. ...tu peux pas dormir sur le sol ...grande sœur …
_ La ferme Chigusa ! Les morts n'parlent pas.
_ Pourquoi tu dis des choses méchantes !?
_ Parce que c'est la vérité. J't'ai vu mourir. Ton ventre a été transpercé et tes yeux son devenus noirs ahah.. »

Son regard n'osait pas se poser sur la silhouette qu'elle devinait a coté d'elle mais Chigusa était apparue toute seule dans son  champs de vision, se penchant au dessus de son visage. Elle était comme dans son souvenir.  Ses yeux flamboyaient d'un millier de questions et ses cheveux blancs semblaient d'une propreté accablante.  Chigusa avait toujours été une petite fille envahissante.  Elle avait seulement   12 ans.  Son visage angélique de petite fille s'était tordu de douleur et baigné de larmes.

« Pourquoi tu m'a pas sauvée... ?
_C'était pas à moi de le faire. Y'avait rien a faire.
_ Qu'est-ce que t'en sais ! T'a pas essayé ! Maman va être triste !
_ Elle est morte aussi et tu es une putain d'hallucination. Alors juste...tais-toi et disparaît. »

Chisato avait fermé les yeux et tourné la tête pour s'arracher a la vision étrange du presque fantôme de sa petite sœur. Quand elle les avait ouvert elle l'avait eu dans son champs de vision, le petit corps sans vie et pour une raison ou une autre, -l'habitude ?  Le manque d'empathie ? Ou peut-être qu'elle avait déjà trop pleuré?- cette vision n’éveillât en elle qu'un nouvel éclat de rire nerveux.

Madara était mort.
Aussi.
Combien de corps jonchaient le sol ? Combien de personne restaient pour célébrer cette victoire ? Est-ce qu'il y avait quelque chose a célébrer ? Elle n'avait le cœur a rien. Ce n'était même pas de la tristesse plutôt une forme profonde de lassitude.

« Chisato ? Fini de rire pauvre cinglée ?
_Masa ...t'as survecu toi aussi ! Aujourd'hui est un putain de grand jour dit moi! »

Yanagi Muramasa avait froncé les sourcils, il n'avait pas été en première ligne et avait eu la chance d'être un peu a l'écart de la grosse zone de conflit mais si sa voix grave sonnait assurée elle pouvait voir a sa démarche qu'il était lui aussi en piteux état.  Il semblait hésiter entre la gifler violemment pour lui remettre les idées en place ou céder a son manque d'humanité pour cette fois. Sa main de géant avait saisit le col de la jeune femme pour la forcer a se mettre debout et ce changement brutal de position couplé aux événements récents l'avait faite vomir.

« T'es vraiment une plaie, petite …
_à d'autres, ou est Hashirama ? Il va bien?
_ Ta sœur et ta mère viennent de mourir et tu …
_ Si je pleure ou que je reste plantée là, elles vont revenir à la vie ? Elles sont mortes. Elles vont pas bouger, je les saluerai plus tard. »

Elle avait répondu en bandant ses plaies les plus importantes, elle devait garder ce qui lui restait de chakra pour soigner ceux qui en avaient le plus besoin. Hashirama ? Tobirama peut-être ? Le reste attendrai.

« Tu es un...
_Monstre ? Te bile pas cher oncle, tu le répète tellement souvent que je vais finir par le croire. Eh bien quoi ? Est-ce qu'elle sent pas terriblement bon cette paix ? J'adore l'odeur des charniers humains a la tombée de la nuit! »

Elle avait ajouté a la cantonade pour se faire entendre des survivants.
Mais elle était plus pâle que jamais.

« Qu'avons nous fait de nos vies pour se trouver là ? A quel moment est-ce que les choses sont devenues aussi désastreuses ? La paix est terrible, elle est atroce parce qu'elle nous laisse le temps de penser. Je la hais en particulier pour ça, pour les souvenirs qu'elle laisse exister.  Je la hais aussi pour le vide inconfortable qu'elle laisse autour d'elle et qui est impossible a gérer quand on a grandi avec la rage et la peur au ventre. Je me rappelle, qu'était une petite fille il m'arrivait de me retrouver face a mon reflet. Je regardais cette personne , ce corps qui me faisait face et j'étais toujours surprise d'avoir l'air aussi humaine, je me suis toujours sentie comme si j'étais une arme.  Être vivante, être humaine était une de ces humeurs inexplicables pour moi. Je me souviens avoir combattu face a moi-même la peur lancinante de la mort.  Je me rappelle très bien, je devais être âgée d'à peine plus de treize ans , regarder distinctement mon propre visage. « Ce n'est pas aujourd'hui. Ce n'est pas ton jour, Chisato. » Combien de fois me suis-je ordonné a moi-même de ne pas mourir ?  Je devais le faire moi-même. Personne d'autre ne l'aurait fait.

Qu'avons nous fait ? Comment en sommes nous arrivés  là .  A quel moment est-ce que les choses ont tourné de cette façon ? La paix est une calamité. C'est une torture encore plus grande que toutes celles que j'ai connues. La paix nous laisse le temps de penser. Elle laisse exister des choses qui auraient du rester dans le passé. Depuis que nous sommes installés là, assis au calme je me rappelle.

Je me rappelle de l'odeur des charniers et des fosses communes. Les cadavres des nôtres qui s'y entassaient, nous n'avions pas le temps de leur offrir une sépulture descente. Il fallait survivre. Les Os de combien d'entre nous blanchissent dans le vent ? Je me rappelle du soleil qui tapait sans pitié sur les chairs en décompositions.

Et ça puait jusqu'au ciel. » ▬ Extraits des mémoires de Yanagi Chisato.
Chisato se souvenait parfaitement de la première fois qu'elle avait rencontré Hashirama Senju.
Il n'avait pas été question de devenir son amie. Elle n'avait pas à avoir ce genre de relation avec lui ou avec quiconque, la seule chose qu'on lui avait demandé de retenir du haut des six ans c'était que le garçon était important, plus important qu'elle ne serai jamais et qu'elle devait être prête a absolument toutes les sauvageries pour le maintenir en vie.

Leurs vies n'avaient pas une valeur équivalente, on le lui avait expliqué longtemps et avec beaucoup de précision. Les Senju étaient une sorte d'entité supérieure qui avait été placée là, elle ne savait pas quand. Elle ne voulait pas le savoir elle ne pensait pas que le passé ce sujet avait la moindre importance. Tout ce qui comptait c'était qu'a un moment de leur histoire les Yanagi avaient fini par se lier d'une manière tellement étroite a la lignée des Senju que ce lien était désormais indéfectible. Fille de la matriarche, née la même année que l'héritier Senju elle avait été élevée toute sa vie dans l'idée de servir ce dernier et ses enfants jusqu'à ce qu'elle meure.

Elle n'avait pas de questions a poser a ce sujet.
Rien a remettre en question, sa propre mère tenait ce rôle auprès du chef actuel. On sacrait cela comme un honneur dans sa lignée mais elle s'était méfiée du garçon dès le jour de leur rencontre. Jovial, amical ; elle avait du apprendre rapidement à mettre une barrière entre eux. Avec plus ou moins de succès les années passant.

Les Yanagi étaient une famille spéciale.
Manipulateurs de Shoton ils avaient cette rareté, cette force et cette brutalité dans les veines. Les rapports entre membres du clan étaient dépourvu d'une réelle chaleur humaine et il y avait même au sein des fratries des tensions assez violentes.  Chidori, la propre mère de Chisato avait élevée ses filles avec une certaine distance. Probablement parce qu'elle s'attendait a les perdre, parce qu'elle les élevait en sachant qu'elle les menait vers une fin des plus funeste ?

Plus tard Chisato elle même aurai une relation des plus inhabituelle avec sa propre petite sœur.  Ce n'était pas un manque d'amour mais une incapacité a le manifesté, une peur chronique de l'attachement.

Pour le bien que ça avait fait.

Chisato avait appris le Ninjutsu au sein de sa propre famille. Avec sa mère, sa grand mère, ses tantes. C'était également d'elles qu'elle avait appris a tuer. Pour une raison ou une autre les hommes avaient toujours eu très peu d'influence dans les décisions du clan et aucun d'entre eux ne jouissait d'un poste décisionnaire. En temps que fille aînée de la matriarche, quand elle n'était pas éduquée a devenir une parfaite arme, un chien de garde pour les Senju elle apprenait les traditions et tout ce qui ferait d'elle un jour une bonne maîtresse de Clan.

Mais ça encore ; c'était secondaire. Ça le deviendrai de plus en plus avec le temps.
Chisato avait sa place sur les champs de bataille, cœur des conflits, quels qu'ils soient, ce n'était pas qu'elle aimait cela. C'était seulement l'endroit ou elle était sensée se trouver. Probablement. La seule chose qu'elle avait jamais connue, la seule chose qu'elle était autorisée aspirer a connaître.

Le sang, la mort, la souffrance et l'odeur putride du sang coagulé. Toutes ces choses avaient lentement fini par n'éveiller en elle ni intérêt ni regrets.

Ça n'avait aucune importance. Qui tombait. Combien tombaient.
Hashirama Senju avait été et serai toujours la seule silhouette qui avait besoin d'être claire dans son horizon.

Quels qu'ai pus être les conflits entre clans , les hauts ou les bas , elle s'était tenue juste là. Dans son ombre, tapie dans l'attente d'un ordre. Un village avait été fondé et parce que c'était la volonté d'Hashirama elle avait mit sa propre main dans les fondations. Elle avait grandi a ses côtés dans le seul but de lui être utile un jour que ce soit par sa vie ou par sa mort.

Puis il avait voulu la paix.
Elle n'en voulait pas. Elle ne savait pas le goût que ça avait et elle n'était pas certaine de vouloir le connaître mais c'était son rêve alors...

s'il fallait se battre pour cela, elle se battrait.
Elle s'était battue. Avec les siens.  Elle n'avait pas protesté ; elle n'avait ni la force ni le désir de le faire. Cette rage, ce sang ce carnage : ça avait quelque chose de familier et c'était rassurant . Sans le moindre égard pour les pertes que ça avait généré, même dans ses propres rangs.


« On a pas enterré Chigusa.
Ça avait pas d'importance qu'on retrouve pas le corps de ma mère, cette femme était le diable en personne et si je sais qu'elle nous avait aimé a sa façon , elle m'avait toujours terrifiée. Mais Chigusa était différente. C'était une petite fille. Parfois je me dit qu'elle était la seule personne pour laquelle j'aurai aimé voir la paix mais elle est morte pour cette dernière alors ça perd tout son sens, tout son charme.

Je hais la paix parce qu'elle me laisse le temps de me rappeler du visage de cette stupide enfant.

Naturellement après ce sacrifice, les miens ont été comme libérés de leurs servilité et la sœur cadette de ma mère a repris la tête du clan, je n'en voulais pas et je n'ai jamais montré assez de piété filiale pour qu'ils se sentent en sécurité j'imagine. Ça ne m'intéresse pas beaucoup.

Je ne pouvais pas faire cela.
Je suis seulement restée à la place que j'avais toujours connue.

Juste dans son ombre.

J'ai accepté le seul poste ou je pouvais garder Hashirama en vue.
Ce n'est pas que j'en sois heureuse. C'est la seule pierre de touche que je possède encore dans ce monde. Le seul objectif que je refuse de perdre.

Le seul. » ▬ extraits des mémoires de Yanagi Chisato.]